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12
Jui
2013

Lettre ouverte au Président du Conseil Régional d’Ile-de-Franc

Paris, le 12 juillet 2013

Monsieur le Président,

En mai 2013, le Conseil Régional d’Ile-de-France, dans le cadre du dispositif de « soutien aux fabriques de culture » voté en septembre 2012, a attribué une subvention de fonctionnement à 15 nouvelles « Fabriques », portant ainsi à 30 le nombre de lieux bénéficiaires de ce nouveau dispositif.

Le réseau Actes If n’a pas manqué de saluer à de nombreuses reprises la création d’une ligne budgétaire affectée au fonctionnement de ces lieux indépendants, dont vous connaissez le rôle essentiel qu’ils jouent dans le paysage culturel francilien, malgré une grande précarité de moyens financiers et humains. S’étant intensément impliqué dans la concertation préalable organisée par la Commission Culture de la Région, le réseau Actes If, a pris acte avec satisfaction de la prise en compte d’une partie des propositions qu’il avait formulé à cette occasion. La délibération du mois de septembre définit le Dispositif cadre du soutien aux Fabriques de culture. Elle énonce clairement la reconnaissance par la Région de ces acteurs essentiels de l’invention artistique et de la démocratisation culturelle : les « lieux intermédiaires » et autres initiatives artistiques et culturelles issues de la société civile, dont accès gratuit aux espaces de travail et mutualisation, accompagnement des artistes et rencontre des habitants sont la marque de fabrique…

Le réseau Actes If a cependant immédiatement manifesté son désaccord sur l’absence complète de prise en compte d’un des points essentiels évoqués lors des concertations, en l’espèce la poursuite de la coopération entre élus et acteurs de terrain lors de l’attribution et de l’évaluation des subventions, pour la plus grande transparence et la plus grande efficacité possibles du dispositif. Nous notons aujourd’hui l’absence de mise en place de commission paritaire permettant aux élus d’articuler leur décision à l’expertise des acteurs culturels du secteur et de la société civile. Nous notons l’absence de motivation des décisions de soutien ou de refus aux lieux ayant sollicité l’entrée dans ce dispositif.

Cette absence pouvait dans un premier temps être comprise, pour des questions de temps et d’organisation, lors de la mise en place du dispositif en novembre 2012. Mais la seconde vague d’attributions de subventions s’est déroulée dans la même opacité quant aux critères ayant motivé les décisions de la Commission. Ce fait ne laisse pas de nous interroger.

Il nous semble qu’en ces temps de crise et de restrictions budgétaires, il est nécessaire de cibler, avec le plus d’efficacité possible, l’affectation de fonds publics. La composition mixte d’une commission d’attribution et la motivation publique de ses décisions en sont des outils. Nous en voulons pour preuve a contrario deux entrées dans le dispositif qui nous paraissent, pour l’une inefficace et en contradiction avec la décision de consolider réellement des structures utiles et fragiles, pour l’autre proprement scandaleuse quant au détournement du dispositif.

Quel intérêt pour la Région Ile-de-France à faire entrer dans le dispositif une « institution » telle que le Théâtre du Soleil, dont nous admirons l’histoire et ne discutons pas la qualité du travail théâtral, mais pour qui la subvention de 100 000 € au titre de « Fabrique » va correspondre à 3% d’un budget largement financé par l’Etat et les collectivités ?

Quelle justification à accorder 120 000 € au Studio Albatros, lieu dédié à la location de salles, dont le budget comporte trois lignes de financement -location, sponsoring et « fabriques de cultures »- dont le projet de « fabrique » est tourné essentiellement vers la proposition « d’événements ponctuels » ? Ce projet en contradiction avec la lettre et l’esprit du dispositif sera financé à 37.7 % par la Région Ile-de-France !

Notre désappointement quant à ces décisions est à la mesure des menaces de disparition qui planent sur nombre de « fabriques », membres ou non du réseau Actes If. Ces sommes, importantes à l’échelle de ces lieux, auraient tout simplement permis de sécuriser plusieurs d’entre eux, en cohérence avec les choix politiques de la Région affirmés en septembre 2012. Désireux de poursuivre un dialogue constructif avec les élus et les services de la Région, fondé sur un intérêt commun pour le développement artistique et culturel de l’ensemble du territoire de l’Ile-de-France et sur la confiance établie lors des concertations, nous souhaiterions obtenir des éclaircissements quant à ces choix inexplicables aujourd’hui pour nous, sinon par les écarts qu’autorise l’opacité.

Monsieur le Président, nous connaissons les difficultés budgétaires liées à la crise économique que notre pays traverse. Nous ne pensons pas que tous les projets puissent être soutenus dans le même temps et à la même hauteur. Nous respectons la légitimité des décisions d’élus de la République. Il nous semble cependant indispensable aujourd’hui que la Région Ile-de-France opère avec plus de transparence, que les futures attributions puissent être comprises et entendues par l’ensemble des acteurs culturels concernés, que la mise en place de bonnes pratiques et de concertations approfondies permettent à ce dispositif de Soutien aux Fabriques de Culture de se développer le plus efficacement et le plus justement possible, au bénéfice des artistes, de la population et de l’image de la Région Ile-de-France.

Espérant que vous saurez comprendre la force de notre mécontentement comme un signe de la sincérité de nos engagements et de notre volonté de dialogue, nous vous prions, Monsieur le Président, d’accepter nos salutations respectueuses.

Le réseau Actes if

Source : Actes if